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Laure Saint-Raymond, mathématicienne : « En sciences comme avec ses enfants, on passe son temps à se tromper »

Première femme professeure permanente à l’Institut des hautes études scientifiques, la mathématicienne Laure Saint-Raymond, 49 ans, est mère de six enfants. Après nous avoir donné son accord pour participer à la rubrique « Vie de parents », elle a regardé la liste des questions habituellement posées. « Le questionnaire m’a mise extrêmement mal à l’aise », nous a-t-elle écrit.
« La pire chose que votre enfant vous ait dite », « votre meilleure qualité de parent »… L’emploi des superlatifs lui semblait déplacé. Il y a quoi, entre le meilleur et le pire ? Pour elle, les questions étaient trop fermées. « Cela manque de nuances, et ça suppose qu’on a un retour immédiat sur ce qu’on fait, dit, propose, autorise, interdit… »
Scientifiquement, ce n’était pas très rigoureux. Elle nous a donné rendez-vous à l’Académie des sciences, dont elle est membre, pour nous donner ses réponses à d’autres questions.
On n’élève pas les premiers comme les derniers. Déjà, parce que j’ai eu mon premier enfant à 24 ans, et on n’est pas la même personne qu’à 50 ans. En tant que parent, on change aussi. Pour l’aîné, on suit à la lettre le calendrier de la diversification alimentaire. Le dernier, il prend des frites dans les assiettes de ses frères et sœurs à 6 mois. L’aîné, s’il fait de la musique, on veille à ce qu’il fasse ses gammes tous les jours. Pour le dernier, on comprend qu’il faut choisir ses combats, et on ne se met plus les mêmes priorités, ce qui fait dire aux aînés que les derniers sont des chouchous.
Je suis moi-même l’aînée d’une famille de sept enfants, et je sais qu’on n’a pas la même relation à l’adulte quand on arrive en premier ou en dernier. Pour l’aîné, il y a une forme de culpabilité si on n’entre pas dans ce que l’on croit être attendu de ses parents. Les plus jeunes se sentent plus libres. Les aînés vivent sous le regard des adultes, tandis que les plus jeunes peuvent prendre exemple sur les aînés. Nous nous en sommes particulièrement rendu compte pendant le confinement : le plus jeune était exposé aux aînés, qui faisaient leur travail de médecine ou de droit.
Il y a moins d’écart d’âge entre mon fils aîné et mon dernier frère qu’entre mon dernier frère et moi. On forme une espèce de tribu ! Dans ma famille, on a cette culture d’être proches, de se voir, de passer du temps ensemble… Cette proximité est une force aussi bien au quotidien que dans les épreuves de la vie.
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